La fessée est désormais interdite en France. Le Parlement a adopté définitivement, mardi 2 juillet, par un ultime vote du Sénat, une proposition de loi déjà votée par l’Assemblée nationale visant à interdire les « violences éducatives ordinaires ». Il s’agit d’inscrire dans le Code civil, à l’article lu à la mairie lors des mariages, que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ».
Ce n’est pas la première fois que les députés et sénateurs se prononcent sur le sujet, mais la précédente tentative s’est soldée par un échec. L’article 22 du projet de loi égalité et citoyenneté, adopté le 22 décembre 2016, qui interdisait les « traitements cruels et dégradants », y compris les « violences corporelles », avait été censuré par le Conseil constitutionnel, car il était sans rapport avec la loi.
« Droit de correction »
Jusqu’à présent, le droit français autorisait un « droit de correction » des enfants au sein des familles, alors même que les punitions corporelles étaient déjà interdites à l’école et dans l’armée. La France a pourtant signé la Charte européenne des droits sociaux, qui précise que les Etats doivent « protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l’exploitation ». En mars 2015, elle avait été condamnée par le Conseil de l’Europe au motif qu’elle « ne prévoit pas d’interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels ».
La France devient donc le 32e des 47 pays membres du Conseil de l’Europe à proscrire tout châtiment corporel à l’encontre des enfants. Ils sont au total 56 à travers le monde, selon le recensement de l’association End Corporal Punishment, qui se réjouit d’une progression rapide ces dernières années.
La Suède pionnière
Le premier pays à faire entrer dans la loi l’éducation non violente est la Suède, qui a légiféré dès 1979, suivie rapidement par ses voisins finlandais (1983) et norvégien (1987). Des législations similaires ont ensuite été adoptées dans le nord de l’Europe (l’Autriche en 1989, le Danemark en 1997, l’Allemagne en 2000, etc.) et parmi les anciens Etats du bloc de l’Est (la Lettonie en 1998, la Croatie en 1999, la Bulgarie en 2000, etc.).
Une carte du monde des Etats interdisant les châtiments corporels montre que la question émerge également hors d’Europe, notamment en Amérique latine (en Uruguay et au Venezuela en 2007, suivis du Costa Rica, du Honduras, du Brésil et de l’Argentine) et dans plusieurs pays d’Afrique (Togo, Kenya, République du Congo, Soudan du Sud, etc.).
La Nouvelle-Zélande est le premier pays anglophone à interdire les châtiments corporels, alors que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni s’y refusent. Parmi les Etats américains, dix-neuf autorisent encore les punitions physiques dans les écoles.
L'Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO), qui recense les pays abolitionnistes, estime toutefois que la législation « n’est qu’un premier pas » insuffisant si elle n’est pas assortie de mesures permettant son application.
La loi adoptée mardi ne comporte aucune mesure de sanction, prévoyant « la prévention des violences éducatives ordinaires » dans le code de l’action sociale et des familles, et des formations pour les assistantes maternelles.
Source : Le Monde, Anne-Aël Durand, 2 juillet 2019.